Hello les amis !

Après quelques annés d'absence, le blog Rêves électriques se remet donc à la plume. Et pour démarrer l'aventure, je me suis dit qu'il n'y avait sans doute rien de mieux, actu oblige, que de parler du plus grand des aventuriers façon ciné : Indiana Jones, qui a eu droit au fil des décennies à quelques films légendaires, à d'autres plus ou moins anecdotiques, à divers jeux opportunistes et à de rares pépites du point and clic, Last Crusade et Fate of Atlantis. Ah, et puis il a eu une anecdote judiciaire, aussi, qui mérite que l'on s'y attarde quelques instants et qui va faire l'objet de cette bafouille de bienvenue. Alors flashback, on repart à la fin des années 1980 et à la glorieuse époque bénie de la Nintendo NES. Vous avez votre billet ? N'oubliez pas de le poinçonner...

Bon, approchez-vous. Approchez-vous encore, et regardez de près la jaquette officielle de ce jeu sorti en 1988 sur  la NES américaine. Ne trichez pas ! Si vous êtes familiers des produits Nintendo, ça doit vous sauter aux yeux.

Vous l'avez ? Il n'y a effectivement aucune trace du fameux Nintendo Seal of Quality. Et pour cause : ce Temple of Doom n'a jamais eu de licence. Du moins dans cette version, qui a le mérite de rappeler que les premiers temps du jeu vidéo n'étaient pas les plus balisés en termes de droits et d'intellectuelle propriété. Jetez d'ailleurs un oeil au court texte développé dans l'encadré en bas à droite de la boîte, il est savoureux : "Ce produit n'est pas conçu, produit, soutenu ou approuvé par Nintendo". La position de Tengen, a minima, est clairement assumée.

Ce jeu, c'est en allant discuter avec mon habituel pourvoyeur en antiquités diverses et variées (l'excellent Little Tokyo, à Strasbourg) que je l'ai découvert, par une chaude après-midi de ce début du mois de juillet. C'est là que j'ai appris, d'abord, que le titre n'existe qu'en version américaine, n'ayant jamais eu les honneurs d'une version européenne malgré le poids de la licence Indiana Jones (il en va d'ailleurs apparemment de même pour bon nombre de jeux NES, d'ailleurs, le marché européen ayant été assez largement mis de côté par la firme de Kyoto à cette époque). Bon, on admettra que ce n'était pas fondamental, vu la qualité toute relative du soft...

Ensuite, il s'agirait d'un portage tardif de la version arcade de Temple of Doom sortie en 1985 sur Atari System 1. J'avoue que j'ai du mal à y croire, mais faites-vous votre idée avec la vidéo ci-dessous.

Cette version arcade aurait une parenté avec plusieurs titres sortis sur les supports de l'époque. Entre autres, l'Amiga, le 520ST, le C64, la MSX. J'y ai jeté un oeil pour finalement trouver le chaînon manquant avec la version US Gold sortie sur C64, CPC, Spectrum et MSX. On y retrouve les bases du gameplay du jeu NES, à peu de choses près. Les versions Amiga et 520ST, portées par Mindscape, semblent avoir un autre ADN.

Mais revenons à notre version NES. Sur la machine de Nintendo, c'est Tengen, donc, qui se colle au portage à l'origine. Le titre sort en décembre 1988, et l'accueil n'est pas franchement cordial. Le public n'apprécie pas la production, et Nintendo réagit violemment au non respect de sa propriété intellectuelle. Une fois de plus, dois-je ici préciser : Temple of Doom n'est que l'un des avantars du conflit opposant les deux géants du jeu vidéo.

C'est ici qu'il faut faire le lien avec un certain... Atari. Tengen est en effet une filiale de la société américaine, créée au début de l'année 1988. Et dans la foulée, un accord est signé avec Nintendo, permettant la distribution de cinq jeux par année sur NES. Mais Atari/Tengen, qui n'accepte pas le monopole de fait de Nintendo sur la production de cartouches aux Etats-Unis, ne respecte pas sa part du marché et commence à développer des versions non autorisées de ses titres, pour certains partiellement licenciés (RBI Baseball, Pac-Man, Gauntlet), pour d'autres totalement hors la loi (Tetris, Rolling Thunder, After Burner, Shinobi, Alien Syndrom...). Plus grave encore, la firme US développe des stratégies de hack et de contournement de la puce 10NES qui empêche les jeux non officiels de tourner sur une console Nintendo. La guerre est donc déclarée : fin 1988, Atari porte plainte contre Nintendo pour sa stratégie de contrôle de la production de cartouches, tandis que Nintendo riposte pour rupture de contrat dès janvier 1989, puis pour le contournement de sa puce le mois suivant. Il s'en suivra des années de procès, et l'arrêt de la production de cartouches NES, in fine, pour Tengen. Le tout se conclura à l'amiable en 1994, une fois les passions apaisées.

La conséquence amusante de cet épisode judiciaire, c'est que deux versions de Temple of Doom ont coexisté sur le marché US. La première,  celle de Tengen, a pour particularité d'être proposée dans un packaging sans Nintendo Seal of quality, mais aussi avec une cartouche noire contenue dans un élégant carton siglé, ultime pied-de-nez au fabricant de la NES, "Tengen Seal of quality".

L'autre version, officielle cette fois, sera distribuée par un actuer moins turbulent du jeu vidéo à l'époque : la société Mindscape. Ne cherchez pas plus loin, il s'agit du même jeu, mais cette fois accompagné du packaging classique des jeux NES, et contenu dans la fameuse cartouche grise typique du support.

Evidemment, la version Mindscape n'a pas la même saveur pour les collectionneurs. Alors si vous croisez une version Tengen, faites-lui une petite place dans votre ludothèque : elle raconte une histoire du jeu vidéo venue tout droit de ces temps reculés où tout restait encore à défricher...